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Page:L’Auvergne historique, littéraire et artistique, série 3, tome 1, années 1893-1894, 1903.djvu/242

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pris dès le premier moment, vis-à-vis de la Cour, l’attitude d’hostilité irréconciliable et de bravade qui devait le faire qualifier par le général Foy d’agent provocateur et de vétéran de l’insurrection. Aussi les gazettes étaient-elles pleines de son nom, souvent accolé à d’âpres commentaires sur les ténébreuses visées de son ambition à l’aurore révolutionnaire. On ne parlait que de lui.

Je me trompe : on parlait aussi, et avec une égale passion, d’un prétendu Louis XVII, dit Mathurin Bruneau, qui venait de passer en jugement devant le tribunal de Rouen.

Mathurin Bruneau n’était pas le premier prétendant qui eût revendiqué le titre de Dauphin de France arraché par miracle aux geôliers de la Convention. Déjà, vers le commencement du siècle, Hervagault, surnommé le petit Messie, avait agité la Normandie, la Bourgogne et la Champagne, faisant par milliers des dupes, quelques-unes illustres, qui lui étaient restées fidèles, même au-delà de la prison. Le nouveau compétiteur qui surgissait, aussi fabuleux mais plus effronté encore, posait derechef devant la nation le problème de la légitimité. On avait beau le convaincre d’imposture, établir qu’il était le fils d’un sabotier du canton de Chollet, que le passeport par lui invoqué, au nom de Charles de Navarre, n’était qu’une pièce apocryphe, il n’en maintenait pas moins ses affirmations grossières qui, par delà les murs du Mont Saint-Michel où il était détenu, réchauffaient toute une légion d’adeptes recrutés dans la finance, dans le clergé et dans l’armée, caressaient les imaginations avides de prodige ou d’invraisemblance et procuraient enfin à la presse de combat, de nouveaux projectiles pour ses escarmouches contre le pouvoir.

Dernier concours de circonstances ! À la suite de son procès devant le jury du Puy-de-Dôme, la famille Persat n’avait eu qu’un souci : se débarrasser par une expatriation temporaire d’un membre aussi dangereusement compromettant. Elle avait tout mis en œuvre pour parvenir à ce but, qu’elle considérait tout à la fois comme un dérivatif et comme une sauvegarde. Elle y parvint en faisant miroiter devant son imagination les horizons de l’Amérique,