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Page:L’Auvergne historique, littéraire et artistique, série 3, tome 1, années 1893-1894, 1903.djvu/252

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qui envahissait mon cœur et que l’une des jeunes filles en était l’objet. Mais je me désabusai bien vite ; seule Mme Verdeuille avait provoqué cette impression étrange, car il n’appartenait qu’à celle qui m’a donné l’existence de me faire naître à d’aussi douces émotions.

Je ne reconnus pas de suite cependant la reine ma mère. On mit tout en œuvre pour empêcher cette reconnaissance qui ne s’accomplit pas moins complète et enivrante. Il est vrai que l’on n’usa pas contre moi dans cette circonstance des drogues habituelles. Aussi, sous l’empire de la joie, fis-je en peu de temps des progrès sensibles à l’école d’un respectable juif nommé Françia.

Vers la fin de l’année, la famille Persat regagna l’Auvergne, me laissant à Bordeaux que je ne voulais plus quitter. Pour couvrir mon refus, j’étais entré, en qualité de surnuméraire, chez un architecte du cadastre. J’ai su depuis que la condescendance qu’on me témoigna tenait à ce que toute une intrigue avait été organisée pour me soustraire, par un prochain enrôlement dans l’armée, à l’influence de Mme Verdeuille.

Pour tout enseignement, mon architecte ne m’apprit qu’à fréquenter les bals, les comédies, les maisons de plaisir, toujours dans la société de militaires. On dirigeait tous mes instincts vers la dissipation et vers la carrière des armes. Moi je ne réagissais contre ces tendances que lorsque je revoyais Mme Verdeuille. Quand on m’eut réduit au dernier sol, mon patron me conseilla de vendre mes effets, puis les meubles de mon logement. J’en vins peu à peu à ne laisser que les murailles aux deux maisons qui appartenaient à la famille Persat. J’avais enlevé jusqu’aux plombs servant à la conduite des eaux. Bientôt réduit à la dernière extrémité, il ne me resta d’autre ressource que de reprendre la route du Puy-de-Dôme.

J’y trouvai en uniforme presque toutes mes anciennes connaissances qui me reçurent à bras ouverts. J’en pris mon parti et me résolus à les imiter. Le capitaine Leblanc, en remonte à Clermont pour le 25e chasseurs à cheval, m’enrôla dans son détachement.

Je partis dans les derniers mois de 1807 pour rejoindre le dépôt du régiment à Rimini, en Italie.

Tout cela avait été combiné par le marquis de La Fayette, qui m’avait entouré de ses partisans sans leur dévoiler ses projets, car il était bien trop rusé pour se démasquer.

Au régiment, ma valeur ne tarda pas à me faire distinguer. Durant la campagne de 1808, j’eus le nez déformé d’un coup de sabre, au passage de la Piave, et la main gauche traversée par une pointe de sabre. Cela me valut les galons de brigadier.

L’année suivante, nous passâmes en Autriche. Il me souvient qu’un