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Page:L’Auvergne historique, littéraire et artistique, série 3, tome 1, années 1893-1894, 1903.djvu/255

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La Fayette ne pouvait se soustraire. Il fallait donc s’exécuter ; mais le traître s’ingénia alors à diriger les événements de manière à convaincre mes parents légitimes que j’étais atteint d’aliénation mentale.

Ma présentation devait avoir lieu en octobre ou en novembre. Hélas !!!...

Les journaux du temps se prétendant bien informés publièrent la note suivante : « Un nouveau Louis XVII, très bien mis, s’est présenté à la cour. Le roi l’a bien accueilli, mais ne l’a pas reconnu. » Les choses cependant ne s’étaient pas passées ainsi.

La veille du jour fixé pour mon audience, les amis du marquis me convièrent à une partie de plaisir. On me fit fête, on me fit boire, tant et si bien que l’on m’amena à faire la gageure que j’irai le lendemain, une femme publique au bras, tirer un coup de pistolet sous les fenêtres de Louis XVIII.

La nuit se passa en orgies. Au petit jour, la bande joyeuse me relança pour me maintenir sans doute dans les dispositions convenues. Nous déjeunâmes copieusement ; puis je montai en cabriolet et me fis conduire aux Tuileries. Je descendis et ordonnai au cocher d’aller m’attendre au bout de la grille. Au moment de tenir mon pari, la présence de quelques officiers me fit changer de résolution. Je voyais clairement que tous affectaient de me laisser le passage libre pour accéder à l’escalier. Je passai mon chemin sans tirer, repris ma voiture et me dirigeai vers la place Vendôme. Je montai sur la colonne et déchargeai en l’air les deux coups de mon pistolet. Cela fait, je filai sur Versailles où je devais rejoindre mes parieurs. Mais ils ne se trouvèrent pas au rendez-vous et je ne les ai jamais revus.

L’infâme La Fayette prit motif de cet enfantillage pour persuader au roi que j’avais l’esprit dérangé et pour lui faire entendre que les pays chauds seraient propices à ma guérison. Il obtint un ordre secret pour me faire garder à vue et traiter par deux médecins spécialistes.

Quelques jours plus tard, je partis pour le Havre où je voulais m’embarquer ; mais, soit que le Ciel contrariât mes projets, soit que les dispositions de mes persécuteurs ne fussent pas encore suffisamment prises, j’attendis vainement pendant un mois un vent favorable. De lassitude, après une tentative inutile à Cherbourg, je revins en Auvergne.

On m’y remit des lettres très pressantes d’un des fils Persat, m’engageant à aller le rejoindre en Amérique où sa situation était très satisfaisante. Je n’eus pas un moment d’hésitation, et la semaine n’était pas écoulée que je franchissais la porte Salinier à Bordeaux. Naturellement je me dirigeai en toute hâte vers le logis de Mme Verdeuille. Ô vicissitude des choses humaines ! notre abord ne fut pas semblable aux précédents.