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Page:L’Auvergne historique, littéraire et artistique, série 3, tome 1, années 1893-1894, 1903.djvu/257

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qui investissaient du pouvoir suprême la faction dont il était le chef. Je m’y refusai énergiquement. Alors il me menaça, déclarant que je ne sortirais pas de l’île tant que je ne souscrirais pas à sa volonté. Après quelques mois, voyant que je demeurais inébranlable, et désespérant de me fléchir, le marquis me quitta en me laissant en butte à mille tracasseries de ses agents.

De ce jour, il n’est pas de mauvais traitements que je n’eus à subir. J’eus recours aux autorités espagnoles ; mes démarches restèrent vaines. Ses ordres m’avaient aliéné la bienveillance des personnes auxquelles je m’adressais. En vain réclamais-je la protection des pays étrangers et celle du consul de France.

Je quittai la ville et me réfugiai à la campagne. J’y fis la connaissance de trois Français émigrés de Bordeaux en 1820 ou 1821 avec toute une colonie, sous la conduite de M. de Clouet, chevalier de Saint-Louis, pour venir fonder un établissement.

Je leur racontai mes malheurs. Ils m’apprirent que Louis XVI – je croyais encore qu’il avait péri sur l’échafaud en 1793 – n’était pas la première victime immolée dans ma famille et que son père, le Grand Dauphin, avait été empoisonné. Ils ajoutèrent que les massacres de la Révolution et l’assassinat de S. A. le duc de Berry étaient également l’œuvre de l’odieux marquis, qui, de complicité avec certains membres de la noblesse, avait projeté de s’emparer du gouvernement. Ils avaient été sollicités eux-mêmes d’attenter aux jours du duc de Berry, et, sur leur refus, Louvel, l’un d’entre eux, avait accepté, contre la promesse d’une récompense de 500,000 livres. Les circonstances s’étaient opposées à ce qu’ils dénonçassent le complot ; mais ils m’engageaient à éviter le sort de mon cousin et s’offraient à me protéger.

C’en était trop. Je rompis l’incognito, je me proclamai hautement Charles X et je fis usage des pièces en ma possession.

Je partis pour New York. Le 3 mai 1824, je soumis mes revendications au Congrès fédéral qui les accueillit favorablement. Les journaux de Washington en parlèrent, puis les journaux anglais, puis le Constitutionnel de Paris.

Cependant je n’avais accompli que la moindre partie de ma tâche. C’était devant la nation française, devant mon pays d’origine qu’il fallait exposer mes droits.

Avant de quitter l’île, j’avisai le consul de France qui me conseilla de garder durant la traversée le nom de Persat, quitte à faire mes déclarations à mon arrivée.

Je pris passage sur le Galax, capitaine Guirel, qui m’inscrivit sous mon nom d’emprunt, et je débarquai au Havre le 20 octobre 1824. À la