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Page:L’Auvergne historique, littéraire et artistique, série 3, tome 1, années 1893-1894, 1903.djvu/273

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Je lui présentai civilement un écrit par lequel je déclarais renoncer à ma Maison royale si on consentait à ne pas me considérer comme fou.
Le 16, le docteur revint et me fit couper les moustaches. Cela me fit songer à Samson dont les Philistins coupèrent les cheveux.
Le 17, j’ai demandé que l’on me transférât en Auvergne. J’ai tâché de faire comprendre au médecin que ce serait se compromettre que de me garder plus longtemps dans cette maison. — Mais, m’a-t-il dit, on ne peut en trouver une plus agréable et mieux tenue. — J’en conviens ; je serai peut-être plus mal dans celle du Puy-de-Dôme, mais j’aurai la facilité de voir mes amis, mes anciens compagnons d’armes et le tuteur que l’on m’a nommé. Tous m’aideront à traduire en justice la famille infâme qui, par ses déclarations, m’a amené où je suis.
Aujourd’hui 18, ma demande de transfert a été rejetée. J’indique au docteur que, n’ayant repris l’usage de la parole que vers l’âge de 10 ans, j’ai conservé depuis une grande difficulté d’élocution qui contribue à me faire considérer comme aliéné, mais que cette difficulté n’existe pas en langue espagnole que je parle couramment. Le docteur a répondu qu’en effet il me trouvait un profil espagnol et que je devais être fils d’un Grand d’Espagne. Comprenant l’ironie, j’ai sévèrement répliqué qu’il ignorait si j’étais le fils d’un charbonnier ou d’un souverain.

19. — J’ai réclamé une ration de vin ; on me l’a refusée parce que je ne travaillais pas. J’ai alors demandé à travailler comme maçon, métier qui m’est familier et dont je rougis d’autant moins que Louis XVI, qui était serrurier, avait fabriqué ma première truelle et mon premier marteau.

20. — J’ai donné lecture au médecin d’un mémoire par lequel je consens à abdiquer et à vivre dans la retraite, moyennant trois millions dont un lui sera versé concurremment avec trois autres personnes. Bien décidé en effet à n’accepter aucune dignité, je ne pourrai récompenser qu’en argent les services reçus.
Ma retraite aura une demi-lieue environ. Elle sera close de murs et inaccessible aux étrangers. Mon humanité et l’exemple à donner à mes enfants, dont les premiers cris seront apaisés par mes caresses paternelles, me feront un devoir de construire auprès de ma demeure un hospice où seront secourues toutes les misères. Ma maison sera ainsi composée : Mon épouse, âgée de 17 à 18 ans, ornée de la beauté et des vertus propres à captiver mon cœur (peu importe sa naissance) ; un ancien ecclésiastique, un médecin, un instituteur instruit dans toutes les langues, un maître de musique qui ait l’art de la peinture, un ex-militaire aussi habile dans la théorie que dans la pratique, toute espèce de domestiques qui seront