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Page:L’Auvergne historique, littéraire et artistique, série 3, tome 1, années 1893-1894, 1903.djvu/274

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plutôt des amis subalternes que des serviteurs ; ils seront de préférence mariés et leurs familles géreront les propriétés que j’aurai aux colonies. Mon clos aura tous les amusements permis par la loi de nature.
Je recueillerai auprès de moi ma sœur d’Angoulême ; nos mains, unies dans un même sentiment, élèveront deux tombeaux aux auteurs de nos jours...
Vous voyez, docteur, que si je parle mal je ne manque pas d’esprit.

21. — J’ai voulu reprendre mon discours, le docteur m’a tourné le dos.

22. — Il serait plus facile d’apprivoiser un corbeau que mon Esculape, tant sa bile est aigre. Je lui ai remis une lettre en espagnol dont voici la traduction : « Parler à un cœur de pierre, c’est vouloir prendre la lune avec les dents. Il est possible qu’un jour je vous voie pendu. Vous n’entendez pas ce que je vous dis ; il me paraît que vous êtes une cruche. Que Dieu ait pitié de vous, en attendant que le diable vous emporte. »

23. — J’ai montré au médecin le plan d’un monument pyramidal à élever à la mémoire de Louis XVI. J’ai voulu lui prouver que, si je ne suis pas architecte, je suis au moins un bon maçon, ce que l’on ne peut être sans avoir l’esprit sain.

24. — Je lui ai prouvé que non seulement je suis maçon, mais encore que je connais à merveille la charpente des moulins à sucre et à café pour lesquels j’ai fait d’importantes inventions aux colonies. Pour prouver mon talent, j’ai offert d’établir en petit des chefs-d’œuvre de constructions.

25 au 30. — La pyramide, les moulins à sucre, les chaudières avec coupes, dessins, élévations, épures, ont occupé tout mon temps. N’est-ce pas un moyen très délicat et très spirituel d’établir ma raison ?

31. — Je ferai tout au monde pour sortir de l’hospice. Je viens de remettre au docteur une lettre par laquelle je reconnais avoir fait le fou pour escroquer de l’argent, comme Bruneau, en me disant Dauphin. J’y ajoute que j’ai été condamné à Versailles, en 1817, sous un autre nom, etc. Je préfère cinq ans de galères que de continuer à vivre parmi les fous où – le diable les emporte – un homme d’esprit finirait par perdre la tête.

1er septembre :

La noirceur masque en vain les poisons qu’elle verse ;
Tout se sait tôt ou tard et la vérité perce ;
Par eux-mêmes souvent les méchants sont trahis.

Méditez cette maxime, docteur, avant de vous prêter aux calculs de mes ennemis qui veulent me garder dans ce séjour.