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Page:L’Auvergne historique, littéraire et artistique, série 3, tome 1, années 1893-1894, 1903.djvu/276

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Je mets tout par écrit, car, comme Ésope, je m’exprime difficilement ; mais la nature m’a doué comme lui d’un génie piquant qui me permet de faire des fables morales, plaisantes et même ironiques.

21 au 30. — Rien de nouveau.

2 octobre. — J’ai eu la facilité de m’évader, ce qui me porte à croire qu’il est l’heure de prendre en ce qui me concerne une décision. Cette facilité ne cache-t-elle pas un piège ? Un coup de fusil pourrait bien en être le résultat. J’ai le projet d’évadation, mais il est réfléchi. Les ténèbres de la nuit me préserveront d’une atteinte de loin ; de près, je donnerai à qui voudra m’arrêter du fil à retordre.

3. — Si je n’ai pas profité de la facilité que me donnaient la croisée et la porte ouvertes, c’est que je ne veux devoir ma liberté qu’à la seule équité.

13. — Il fut fait un faux rapport sur mon compte et l’on m’appliqua une douche. Prévoyant les extrémités dont je pouvais être l’objet, je me graissai la tête avec soin afin d’empêcher l’infiltration dans les pores de substances nuisibles. Ma pénétration m’a sauvé d’un grand danger. Sous les oreilles et au cou que je n’avais enduits que légèrement, il m’est survenu une boule dont j’ai extrêmement souffert. La peau de la tête a conservé durant plusieurs jours une dureté qui la rendait insensible. Mon onguent n’était que de la graisse de bouilli ; mais il était bon, paraît-il, puisqu’il a calmé la douleur. La quantité d’eau froide dont on m’a aspergé eût été plus propre à me donner une pleurésie qu’à agir utilement sur ma santé.

14. — On m’a transféré dans une autre clôture, la clôture Saint-Charles. Si j’y suis mieux, je ne vois là qu’une variation dans mon supplice. Mes forces décroissent et néanmoins mon courage augmente. Il faut si peu de chose pour me soustraire à mes bourreaux, que je me ris de leur méchanceté.

29. — Ma faiblesse s’accroît. Ô justice divine ! si je succombe, fais qu’une république bien établie me venge et gouverne ma patrie. Je n’accorde aucun pardon. Que le Ciel, indistinctement, frappe quiconque sera reconnu coupable ou complice de mes malheurs.
J’ai remis au docteur les strophes ci-après :


{{Bloc centré|

{{taille|L’Intrigue un jour dit au roi Charles
Qui paradait au Champ-de-Mars :

— J’ai sauvé le dauphin Louis,
Votre neveu sans contredit.