Aller au contenu

Page:L’Héritier de Villandon - L’Avare puni, 1734.djvu/9

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
4
L’AVARE PUNI.

Il ne se donnoit nul combat,
Qu’il ne se signalât à bien servir l’État.
Ce zele étoit commun à tous ceux de sa race :
Cependant par un sort qui paroissoit fatal,
Le Prince, en tout si liberal,
N’avoit sur ce Baron jamais versé de grace.
Pourquoi ? C’est que Henry, des malheureux l’appui,
D’Ernoux (tel fut son nom) connoissant les richesses,
Quand il faisoit des dons, ne pensoit point à lui,
Croyant qu’il se pouvoit passer de ses largesses.
Ernoux d’autre côté ne lui demandoit rien,
N’imitant pas ces Courtisans sordides,
Qui riches & toujours avides,
Se rendent importuns en demandant du bien.
Le bon Seigneur tout au contraire
Faisoit tout son plaisir d’en faire :
Parents, amis, vassaux, valets
Trouvoient toujours chez lui secours & bonne-chere ;
Un grand cœur ne fait pas les loix des intérêts.
Au reste il n’avoit pas de nombreuse famille :
Pour tout enfant il n’avoit qu’une fille ;
Mais si pleine d’esprit, de douceur & d’attraits,
De sagesse & de grandeur d’ame :
Que de fille on n’eût pû jamais
Faire une plus parfaite femme.
Chaque jour ses appas vainqueurs
Captivoient mille & mille cœurs.
Mais parmi l’ardente cohorte
De ceux que pour la Belle un vif amour transporte,
Elle sçut très-long-temps conserver ses froideurs.
Enfin un Cavalier d’une Maison illustre,