Page:L’Odyssée (traduction Bareste).djvu/77

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

vives, un vin délicieux de onze années renfermé dans un vase qu'une intendante venait d'ouvrir, après en avoir retiré le couvercle : c'est ce vin que Nestor verse dans le cratère. Puis ce héros, en faisant des libations, adresse des prières à Minerve, la fille de Jupiter, du dieu qui tient l'égide. Quand ils ont terminé les libations et bu selon les désirs de leur cœur, ils se retirent et vont se livrer au repos chacun dans sa demeure. Le chevalier Nestor de Gérénie engage Télémaque, le fils chéri du divin Ulysse, à se reposer dans un lit magnifiquement sculpté placé sous le portique sonore. Auprès du jeune étranger se couche le vaillant Pisistrate, chef des guerriers, et le seul de tous les enfants de Nestor qui était encore célibataire. Le vieillard s'endort dans l'appartement le plus retiré de son haut palais, sur la couche nuptiale que la reine son épouse, avait elle-même préparée.

Le lendemain, dès que brille l'Aurore aux doigts de roses, le chevalier Nestor de Gérénie se lève, sort de sa demeure et s'assied sur des pierres polies[1] qui, blanches et luisantes comme si elles eussent été frottées d'huile, étaient placées au-devant des portes élevées du palais. Jadis Nélée, semblable aux dieux par ses conseils, s'asseyait sur ces pierres ; mais, dompté par la mort, il était déjà descendu dans les sombres demeures ; c'est là que se trouve assis, le sceptre en main, Nestor de Gérénie, le pasteur des Grecs. Autour de lui se rassemblent ses fils nombreux qui ont abandonné leur couche nuptiale : ce sont Échéphron, Stratios, Persée, Arétos et Trasymède égal à la divinité ; le héros Pisistrate arrive le sixième. Tous ces fils de Nestor conduisent eux-mêmes Télémaque et lui font prendre place auprès du vieillard. Le chevalier Nestor de Gérénie prend la parole et dit :

« Hâtez-vous, mes chers enfants, d'accomplir ma volonté, afin que je me rende propice la première des déesses, Minerve, qui s'est manifestée à moi durant le splendide festin offert à Neptune.

  1. ἐπὶ ξεστοῖσι λίθοισιν, dit Homère. C'est sur ces pierres polies, placées à la porte des palais, que les rois s'asseyaient dans les occasions solennelles et surtout lorsqu'ils rendaient la justice.