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L’AMOUR SAPHIQUE

J’ai moi-même été témoin de ces singulières aberrations de la vue.

Je me trouvais à la campagne chez une vieille dame tout à fait respectable, mère de deux jeunes ménages très gentils.

Nous avions longuement causé ; mes connaissances psychologiques, mes récits avaient paru l’intéresser extrêmement.

Tout à coup, son visage changea, prit une étrange expression d’exaltation qui le métamorphosait. Elle me dit sans autre préambule :

— Venez avec moi… mais jurez que vous ne révélerez jamais ce que je vous aurai montré…

Je jurai, empli de stupéfaction, car, à son accent, l’on ne pouvait se tromper, non plus qu’à sa physionomie : il s’agissait de quelque chose de passionnel.

Elle me mena dans la basse-cour et me fit stationner devant plusieurs cages à lapins habitées par des individus seuls ou en famille.

— Hein, qu’en dites vous ? murmura-t-elle au bout d’un instant, comme pâmée, en contemplant un gros Jeannot qui croquait béatement une touffe de pissenlit.

Malgré moi, je murmurai :

— Mais quoi ?…