Page:La Bibliothèque Canadienne, Tome I, 1825.djvu/10

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
11
Physique.

par un déluge universel, et que leurs eaux n’ayant pu se faire jour à travers les montagnes, ont été forcées de faire de longs détours pour parvenir au fleuve ? Toutes les rivières des environs sont absolument dans le même cas, et leurs lits font mille tours divers.

La rivière du Sud, qui se jette dans le fleuve, douze lieues en bas de Québec, offre encore un exemple bien frappant de la submersion universelle de ce continent, et de ce que l’eau peut opérer, lorsqu’elle roule rapidement sur un lit argileux. Cette rivière, qui n’a pas plus d’un arpent ou deux de largeur, se trouve entre deux élévations considérables, à la distance d’environ deux lieues l’une de l’autre. Le terrain qui est entre ces côteaux est magnifique, et annonce qu’il fut jadis le lit d’un lac considérable ; mais aussitôt que ce lac commença à diminuer, la rivière sillonna alors son lit, et amena dans le fleuve les eaux des montagnes adjacentes. On a peine à concevoir comment l’eau a pu creuser la terre d’une manière aussi profonde. Plusieurs éboulis ont eu lieu, il y a quelques années passées, et l’écore est élevée à plus de cent pieds audessus du niveau de la rivière.

Vous me demanderez actuellement comment ce volume immense d’eaux a pu se retirer. Je répondrai à cette question, en disant que les phénomènes de la vaporisation, de la cristallisation, de l’oxydation des métaux, et de la congélation, furent indubitablement les premières causes de la diminution des eaux. L’atmosphère ayant sans doute rendu, à cette époque mémorable, toute l’eau qu’il tenait en dissolution, la vaporisation dut s’opérer plus rapidement qu’à présent. Ensuite, la végétation devenant considérable, dut en décomposer une grande partie. Les volcans, les canaux souterrains, les tremblemens de terre, devant alors se faire sentir, contribuèrent de leur côté à leur diminution. Les fleuves et les rivières devant creuser leurs lits ou s’enfoncer, pour ainsi dire, dans la terre, laissèrent par ce moyen les campagnes voisines à découvert. Car c’est une erreur de croire que le lit du fleuve St. Laurent était aussi profond dans ces tems reculés qu’à présent. Il est bien vrai qu’il chariait ses eaux de niveau avec les plus hautes écores d’aujourd’hui. Mais s’il n’en est point ainsi, c’est qu’outre l’évaporation et les autres causes que nous venons de citer, son lit devenant beaucoup plus profond, ses eaux ont dû baisser considérablement et laisser à découvert les campagnes adjacentes.

Cette idée est d’autant plus fondée que l’on remarque que là où le lit du fleuve est de pierre, il n’y a presque point d’écore. C’est de cette inégalité du lit du fleuve, indépendamment de l’ascension graduelle du terrain, vers sa source, que résultent plusieurs rapides, tels que ceux du Sault St. Louis et du Richelieu. Ce phénomène a donc dû contribuer à faire retirer les eaux des campagnes, et faire croire que les anciennes écores, que l’on observe tout le long du fleuve St. Laurent, avaient été laissées à sec d’une manière soudaine.