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Nous ne saurions le dire, et le seul témoignage de la liaison de La Boétie avec Daneau est une pièce de trois distiques, qu’il lui adresse, et qui a été plus tard recueillie dans ses vers latins. « Lorsque je nie que tu sois jeune, tu me contredis, Daneau ; mais tes paroles sérieuses trahissent un vieillard. Évite de parler. Ton langage réfléchi suppose les années, et ce qui prouve ta jeunesse te fait paraître vieux. Voilà ce que tu prouves bien : tes paroles se retournent contre toi. Prouve donc mal ce que tu veux bien prouver. » Si le sentiment est flatteur, le vers est trop recherché. L’afféterie de la pensée décèle un peu trop l’inexpérience de l’auteur. Qu’advint-il de ces belles inclinations en vieillissant ? Qui sait ? Converti par la constance de son maître Anne du Bourg, qui le gagna au protestantisme, Daneau fut, dans la suite, un controversiste fougueux. Un abîme le séparait désormais de celui qui avait été le compagnon de ses études et·de ses plaisirs délicats.

C’est aussi parmi les amis de la première heure qu’il faut compter Jean-Antoine de Baïf. La Boétie et lui se connurent jeunes encore et les vers de Baïf ne tardèrent pas à faire mention de cette liaison. Dès 1555, date à laquelle il publiait les Quatre livres de l’amour de Francine[1], Baïf adressait au nouveau conseiller au Parlement de Bordeaux un sonnet renfermé au second livre de ses poésies. C’était le premier témoignage d’une affection qui survécut, nous l’avons vu, à La Boétie lui-même. Ces vers de Baïf ne nous donnent pas de détails sur les relations des deux poètes, mais il est probable qu’elles eurent sur La Boétie une influence notable. Assurément, Baïf l’initia aux ambitions de la Pléiade. Dans un passage de la Servitude volontaire, La Boétie a dit quelle estime il portait aux novateurs de la jeune école, quel enthousiasme il nourrissait pour la poésie « faite toute à neuf par nostre Ronsard, nostre Baïf, nostre du Bellay ». Leur influence littéraire est palpable dans les écrits du jeune conseiller, et il est vraisemblable que celui-ci les a connus autrement que par la simple lecture de leurs œuvres.

Cela est certain pour Jean Dorat tout au moins. La Boétie le

    quelques renseignements sur le sujet qui nous occupe. Il est mentionné par M. Jarry dans son étude sur Daniel (p. 55) et par M. de Félice dans son étude sur Daneau (p. 273).

  1. Quatre livres de l’amour de Francine par lan-Antoine de Baif. À Paris, chez André Wechel (la date est à la fin). Le sonnet 21 La Boétie se trouve au f. 36 v°. Il a été reproduit dans les Euvres en rime (Deuxième livre des Amours de Francine, f. 83 v°) et aussi par M. Marty-Laveaux, dans son édition des œuvres de Baïf de la Pléiade fançaise, t. l (1882, in-8o, p. 149).