Page:La Boétie - Discours de la servitude volontaire.djvu/119

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s’augmente, que de contraindre ceux qui la tiennent à l’approuver par leur mort. Car de voir que quelqu’un meurt sur la querelle de son opinion est la plus grande preuve qu’on pourrait donner aux ignorants pour les persuader, et cet argument combat plus vivement que nul autre les entendements des idiots, et quelquefois des bons et simples. Il est vrai que cependant la vérité ne s’ébranle point et ceux qui meurent sous une fausse persuasion n’en sont que plus fols, car il n’est rien de plus vrai que le dire de saint Augustin, que ce n’est pas la peine qui fait le martyre, mais la cause ; et ceux-là sont vrais martyrs qui sont morts en l’Église catholique pour rendre témoignage de leur foi en Jésus-Christ, mais [les] manichéens, les donatistes, les anabaptistes qui ont souffert le supplice pour leur doctrine ne sont pas martyrs, ains faux témoins désespérés, et toutefois ils n’ont pas laissé d’augmenter leur nombre par ce moyen. On ne saurait faire accroire à beaucoup de gens qu’il y a que celui-là n’ait la raison pour lui qui veut maintenir ce qu’il dit au prix de son sang et de sa vie ; donc, en cuidant par le couteau extirper les opinions, nous faisons, comme l’on dit de l’hydre, que pour une tête qu’on lui coupait on en voyait renaître sept.

On a fait cette faute sous le roi François et