Page:La Boétie - Discours de la servitude volontaire.djvu/204

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bande et de corps à part : joignez-vous ensemble. Vous voyez combien de ruines, ces dissentions ont apporté en ce royaume ; et vous réponds qu’elles en apporteront de bien plus grandes. Et comme vous êtes sage et bon, gardez de mettre ces inconvénients parmi votre famille, de peur de lui faire perdre la gloire et le bonheur duquel elle a joui jusques à cette heure. Prenez en bonne part, Monsieur de Beauregard, ce que je vous en dis, et pour un certain témoignage de l’amitié que je vous porte. Car pour cet effet me suis-je réservé jusques à cette heure à vous le dire ; et à l’aventure vous le disant en l’état auquel vous me voyez vous donnerez plus de poids et d’autorité à mes paroles. » Mon frère le remercia bien fort.

Le lundi matin, il était si mal qu’il avait quitté toute espérance de vie. De sorte que dès lors qu’il me vit, il m’appela tout piteusement, et me dit : « Mon frère, n’avez-vous pas de compassion de tant de tourments que je souffre ? Ne voyez-vous pas meshui, que tout le secours que vous me faites, ne sert que d’allongement à ma peine ? » Bientôt après, il s’évanouit de sorte qu’on le cuida abandonner pour trépassé : en fin, on le réveilla à force de vinaigre et de vin. Mais il ne vit de fort longtemps après, et nous oyant crier autour de lui, il nous dit : « Mon Dieu, qui me