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Celui qui n’est sous la dépendance de personne est entièrement libre ; celui qui est un peu sous la dépendance d’un autre est un peu esclave, il est libre pour la différence ; celui qui est beaucoup sous la dépendance d’un autre est beaucoup esclave, il n’est libre que pour le reste ; enfin celui qui est tout à fait sous la dépendance d’un autre est tout à fait esclave et ne jouit d’aucune liberté.

Si Dieu existe c’est dans cette dernière posture, celle de l’esclave, qu’il se trouve par rapport à Dieu, et son esclavage est d’autant plus entier qu’il y a plus d’écart entre le Maître et lui.

Si Dieu existe, lui seul sait, peut, veut ; lui seul est libre ; l’homme ne sait rien, ne peut rien, ne veut rien ; sa dépendance est complète.

Si Dieu existe, il est tout ; l’homme n’est rien.

L’homme ainsi tenu en esclavage, placé sous la dépendance pleine et entière de Dieu, ne peut avoir aucune responsabilité.

Et, s’il est irresponsable, il ne peut être jugé.

Tout jugement implique un châtiment ou une récompense ; et les actes d’un être irresponsable, n’ayant aucune valeur morale, ne relèvent d’aucun jugement.

Les actes de l’irresponsable peuvent être utiles ou nuisibles ; moralement, ils ne sont ni bons ni mauvais, ni méritoires ni répréhensibles ; ils ne sauraient équitablement être récompensés ni châtiés.

En s’érigeant en Justicier, en punissant ou en récompensant l’homme irresponsable, Dieu n’est qu’un usurpateur ; il s’arroge un droit arbitraire et il en use à l’encontre de toute justice.

De ce que je viens de dire, je conclus :

a) Que la responsabilité du mal moral est imputable à Dieu comme lui est imputable celle du mal physique ;

b) Que Dieu est un Justicier indigne, parce que : irresponsable, l’homme ne peut être ni récompensé, ni châtié.


second argument :

Dieu viole les règles fondamentales de l’équité

Admettons, un instant, que l’homme soit responsable et nous allons voir que, même dans cette hypothèse, la divine Justice viole les règles les plus élémentaires de l’équité.

Si l’on admet que la pratique de la Justice ne saurait être exercée sans comporter une sanction et que le magistrat a pour mandat de fixer cette sanction il est une règle sur laquelle le sentiment est et doit être unanime : c’est que,