« Seigneurs, » dit le comte, « apprêtez-vous tous ; [550] allez prendre les armes, montez à cheval, tous ensemble lancez-vous à la fois sur l’ost. — Par foi ! » dit Peire Rogier de Cabaret[1], « par mon conseil vous ne sortirez pas : si vous gardez la ville, je crois que vous ferez assez. [555] Au matin, après avoir dîné, les Français s’avanceront jusqu’auprès de vos fossés : ils voudront vous enlever l’eau dont vous vous abreuvez tous : alors qu’il y ait force coups frappés et donnés ! » À ce conseil s’accordent tous les plus sages : [560] ils font faire au dehors le guet par des chevaliers armés tout à l’entour de la ville, qui est forte ; car Charles l’empereur, le fort roi couronné, la tint plus de sept ans, à ce qu’on dit, assiégée, sans la pouvoir conquérir été ni hiver. Les tours s’inclinèrent devant lui, lorsqu’il s’en fut allé, [565] de façon qu’ensuite il la prit quand il y fut retourné. Si la geste ne ment, ce fut vérité, car autrement il ne l’eût point prise[2].
Le vicomte de Béziers s’est bien gardé toute la nuit ; le matin au poindre de l’aube il s’est levé. [570] Les barons de France, quand ils eurent dîné, se sont tous
- ↑ Ce personnage ne paraît que dans la première partie de la guerre. Il était en 1204 (Doat LXII, 9) viguier de Carcassonne. — Sa femme, Brunessen, protégea Raimon de Miraval ; voir la vie de ce troubadour, Parnasse occitanien, p. 225.
- ↑ Voy. sur cette légende, G. Paris, Histoire poétique de Charlemagne, p. 254-6.