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croisade contre les albigeois.

CXLVIII.

[3405] Folquet notre évêque, en présence de tous, parle doucement au pape, faisant tous ses efforts : « Sire, pape véritable, cher père Innocent, comment peux-tu déposséder de cette façon déguisée le comte de Montfort qui est fidèle serviteur [3410] et fils de sainte Église, et ton partisan ; qui supporte les peines, les fatigues, les luttes, et chasse l’hérésie, les mainadiers et les sergents[1] ? Tu lui enlèves la terre, avec villes et fortifications, qui a été conquise par les croix et par les luisantes épées, [3415] Montauban et Toulouse ; [tu les lui enlèves] par ces conditions, sauf la terre des hérétiques ; et celle des vrais croyants, des orphelins et des veuves est réservée ! Mais onques ne fut dit ni fait si cruel sophisme, si astucieux jugement, ni si énorme outrage au bon sens ; [3420] et ce que tu lui octroies (à Simon) équivaut à une spoliation, car tu commences par favoriser le comte Raimon. Tu le tiens pour catholique, homme de bien et pieux ; et de même les comtes de Comminges et de Foix. Or donc, s’ils sont catholiques et si tu les prends pour tels, [3425] la terre que tu octroies à Simon, tu la lui reprends au même moment[2] ; car ce que tu lui donnes, ce n’est

  1. Les troupes mercenaires du comte de Toulouse.
  2. Aisso es lai reprens (3425) n’a aucun sens : reprens ne peut être un subst. comme je l’ai marqué à tort au vocab. Je corrige aissi (ou aici) eis la i (pour la li) reprens. Le raisonnement de Folquet, raisonnement parfaitement logique, est celui-ci : « Donner à Simon de Montfort des terres en apparence très-considérables, en