Page:La Chanson de la croisade contre les Albigeois, 1875, tome 2.djvu/369

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
[1216]
237
croisade contre les albigeois.

homme qui sait venir à l’aide, j’y serai moi-même partageant le péril, et désireux de savoir s’il y a des lâches. » Richart de Garon dit : « Francs chevaliers, [4435] si le comte Simon avait l’audace de venir assaillir la porte, défendons-nous contre lui et les siens ; que de sang et de cervelles, de chair et de sueur, il y ait telle effusion que les survivants en pleurent. — Seigneurs, » dit P. R. de Rabastens, « c’est une faveur [4440] que nous fait le comte de Montfort, de ne vouloir point aller ailleurs, car ici il perdra bonheur, sens et puissance. Nous sommes ici dans la joie et l’abondance ; nous avons repos, tranquillité, ombre et fraîcheur et le vin de Genestet qui nous adoucit le tempérament. [4445] Nous mangeons bien et nous buvons de même. Eux, au contraire, sont là dehors, misérables pécheurs, n’ayant ni bon temps ni repos, mais tristesse et langueur. Ils peinent à la poussière et à la chaleur ; nuit et jour ils sont en guerre, [4450] par suite de quoi leurs troupes ne cessent de perdre des chevaux, ce qui leur vaut la compagnie des corbeaux et des vautours. Avec cela les morts et les blessés répandent une telle puanteur qu’il n’y a [parmi eux] beau garçon qui ne perde ses couleurs. »

Ceux du donjon montent à la guette, [4455] et du haut de la tour ils montrent au comte de Montfort une enseigne noire en faisant des signes de douleur. Par tous les logis les corneurs de trompes crient[1] que

  1. Faute de sonneries spéciales ayant chacune leur signification précise, on avait sans doute recours au procédé très-primitif qui consiste à appeler l’attention par un son quelconque, puis, les hommes avertis, le corneur proclamait les ordres.