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si nombreuses, le Coréen arrive à une subtilité tellement grande et fine du sens que les conjugaisons classiques les plus savantes des langues indo-européennes ne parviennent pas à rendre même à l’aide de toutes sortes de. circonlocutions. Ainsi, il y a un mode à l’aide de postpositions correspondantes, pour exprimer chacune des idées de surprise, d’admiration, de négation, de joie, de douleur, d’interrogation, de promesse, d’intention, d’attention, de concession, d’amitié, d’inimitié, etc., etc. Ce qui donne à la langue une souplesse extraordinaire, une aisance et une supériorité insoupçonnées. C’est une langue essentiellement poétique, chantante, douce. Ses vocables sont sonores ; les consonnes et les consonnances sont moins gutturales que celles de la langue chinoise, moins sibilantes ou sifflantes que les japonaises, et il suffit d’entendre les trois langues, pour saisir toute l’harmonie de la langue coréenne. L’intonation se fait graduellement dans les phrases périodiques et va se poser en appuyant légèrement sur le verbe qui est toute la vie et l’action de l’idée développée.

Nous devons mentionner que la langue graphique coréenne est la seule de l’Extrême-Orient que l’on puisse dactylographier et linotyper en caractères coréens. Deux inventeurs coréens imaginèrent un clavier-dactyle ; le premier, nommé Lee-Min-Tjyn, fut le précurseur et le second, D-Lee perfectionna le clavier. Les machines furent construites par la grande firme Smith Premier. Mais hélas ! et il faut le signaler, la domination japonaise en Corée, inspirée de méthodes rétrogrades et barbares, en interdit l’importation et l’usage !

Les quelques machines à écrire coréennes fabriquées aux Etats-Unis, qui furent introduites en Corée, ont été confisquées et détruites par les autorités japonaises ! Seuls, les Coréens résidant à l’étranger peuvent se servir de telles machines. Il existe plusieurs journaux écrits en langue coréenne, publiés à l’étranger, qui sont entièrement linotypés.

La littérature dérivant de la langue devait se ressentir de ce particularisme de la langue coréenne.

La haute littérature est essentiellement chinoise. La culture chinoise en Extrême-Orient joue le rôle de la civilisation romaine en Occident. Elle a fait rayonner ses sciences, son droit, sa philosophie, ses religions, sa littérature, son vocabulaire autour d’elle, La Chine a été la grande civilisatrice de l’Extrême-Orient, comme sa langue en fut le latin.

Les Hautes Études en Corée se composaient de l’enseignement du chinois, philosophie, histoire, littérature, etc. On peut dire que tout l’enseignement supérieur et classique est chinois. Les concours et les examens littéraires étaient similaires. Tous les classiques chinois Ssechou et King formaient le fond de la haute éducation en Corée.

C’est dans le roman absolument populaire que se manifeste la forme littéraire purement coréenne. Mais encore là, ne trouvons-nous que peu de romans écrits en langue coréenne — beaucoup le sont en chinois — et pour- tant les contes, les récits coréens sont nombreux, très nombreux. Ceci s’explique aisément en raison de la simplicité de la langue écrite coréenne et de la difficulté du chinois non accessible à tout le monde. Il existe en Corée un métier très lucratif de conteur public où Kouang-Da, et c’est le