Page:La Corée Libre, numéro 4 et 5, août-septembre 1920.djvu/18

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Voici un télégramme équivoque communiqué à la presse par le « Gouvernement de la Corée » c’est-à-dire par le « Gouverneur général de Corée », l’amiral japonais baron Saïto. Le gouvernement du Mikado profite encore de la situation politique en Europe pour lancer à nouveau l’épouvantail bolchevikv aux yeux des occidentaux contre les patriotes coréens :

Une dépêche de Shanghaï, donnée comme un « communiqué du gouvernement de la Corée », annonce que la péninsule a été complètement nettoyée des révolutionnaires, dont le quartier général se trouvait hors de la frontière, et qui adoptaient les procédés des bolchevistes, assassinant, pillant et dévastant. Du 15 mars au 6 juillet, ils se sont livrés à 21 attaques contre les bureaux de l’administration provinciale et ont tué ou blessé grièvement 17 agents de police.

Les membres du Congrès américain, venus pour étudier sur place la question d’Extrême-Orient, se rendront en Corée la semaine prochaine. On attend leur arrivée à Séoul pour le 28 août. Le bruit court que les révolutionnaires se proposent de faire dérailler le train qui doit les amener à Séoul. Leur but est de faire naître des complication internationales.

(Le Temps, 22 août 1920.)

Mais les Japonais ne se vantent guère de la gaffe commise par eux contre la personne de M. Shaw, sujet britannique, agent de la Compagnie de navigation Butterfield and Swire, résidant à An-Tong, c’est-à-dire en territoire chinois et de plus port ouvert au commerce international. M. Shaw est accusé, par les Japonais, de complicité dans la conspiration coréenne, qui, depuis deux ans se manifeste contre l’administration japonaise en Corée. Les Nippons en veulent tout particulièrement à M. Shaw parce que ce dernier s’est refusé à laisser les Japonais perquisitionner à bord des bâtiments britanniques dans les eaux chinoises. Un télégramme de Pékin du correspondant du Times de Londres, nous apprend comment les Japonais s’y sont pris pour s’emparer de la personne de M. Shaw :

Péking, le 15 août 1920. — Le cas de M. Shaw continue d’attirer fortement l’attention de tous les résidants étrangers en Extrême-Orient.

Les allégations japonaises contre lui sont des lieux communs depuis fort longtemps, mais actuellement elles sont le sujet de fortes discussions entre les autorités anglaises et japonaises en Mandchourie.

Il a toujours été possible aux Japonais, à n’importe quel moment, d’engager une procédure régulière contre M. Shaw, c’est-à-dire devant la Cour Consulaire britannique, ils se sont toujours abstenus de le faire par méfiance. Mais lorsque M. Shaw alla, en toute confiance, quelques stations plus loin sur la ligne du chemin de fer en territoire Coréen, pour y chercher sa famille, il fut brutalement arrêté, malgré qu’on lui ait permis de franchir la frontière sans passeport.

On considère ici cette arrestation comme un véritable guet-apens.

Après l’avoir soumis à un traitement des plus durs et lui avoir fait subir une détention de plusieurs semaines, sans introduire aucune accusation, les Japonais apparemment n’ayant rien à ajouter de plus contre lui que leur griefs d’An-Tong, M. Shaw va passer en jugement, dans un pays où précisément l’administration de la justice laisse plutôt à désirer.