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Cette action fut tellement révoltante que les diplomates de Tokyo, pendant plus de trois semaines, n’ont pas osé prendre la responsabilité des hauts faits de leur commandement militaire en Sibérie.

Le Foreign Office jurait ne rien savoir. Il n’avait aucun rapport de Vladivostock et M. Matsudaïra était « malheureusement » à Tokyo. Et la presse nippone, la « presse libérale » de pousser de hauts cris contre la diplomatie militariste !

Pendant ce temps les troupes glorieuses continuaient à se défendre » des gens qui ne les ont pas attaquées à bombarder les villes, assassiner, emprisonner, noyer dans des puits des habitants russes et tout cela sans qu’aucun gouvernement allié ou associé trouve le désir ou le loisir pour élever sa voix contre ces procédés chevaleresques.

Et voilà que le tableau change et que M. Matsudaïra, lui-même annonce que non seulement le Foreign Office savait tout, mais que l’« action japonaise en Sibérie est entreprise avec l’approbation des Alliés ! »

Ainsi le silence de ces derniers est déjà pris par les diplomates japonais pour une approbation tacite et même pour de la connivence.

Et pourquoi pas ? Les précédents n’autorisent-ils pas les hommes d’État nippons à chérir des pareils espoirs ?

Y a-t-il un seul gouvernement qui ait trouvé nécessaire d’esquisser un geste de protestation lorsque, en violation du droit international, le Japon a annexé la Corée montrant que tous les accords et traités par lesquels il garantissait son indépendance n’étaient pour lui que des chiffons de papier. Et puis est-ce que les 21 demandes l’ont empêché de siéger au Conseil de Cinq de la Conférence, de cette Conférence qui devait instituer le « règne de la franchise » et le « triomphe du droit dans les relations internationales » mais qui finit par consacrer l’arbitraire japonais au Chantong.

La politique de l’oppression du faible par le fort étant ainsi sanctionnée en Corée comme en Chine pourquoi ne pas espérer qu’elle ne soit sanctionnée en Sibérie et ne pas tenter le coup.

Le coup est fait et le silence par lequel il a été jusqu’ici accueilli par les milieux officiels de l’Occident fait croire aux militaristes et aux diplomates japonais qu’on les laissera faire.

Ils se trompent. Car si l’on peut encore douter de l’attitude des hommes d’État alliés et associés envers ce nouvel attentat du Japon impérialiste, on peut être certain que les peuples alliés et associés, eux, ne consentiront jamais à sanctionner le nouveau complot ourdi contre la Russie démocratique et par conséquent contre la démocratie du monde entier.

Car le temps est venu où tous les hommes honnêtes se rendent compte que malgré sa jeunesse, la démocratie russe s’est trouvée placée, par le cours des événements, à l’avant-garde de la marche de l’humanité vers les destinées nouvelles et que toute atteinte portée à son développement normal constitue un danger immédiat pour le mouvement de libération de tous les peuples.

A. N.
(Journal de Pékin, 2 mai 1920.)

II. — UNE VICTIME DE L’IMPÉRIALISME

Il était à prévoir que la paix universelle ne découlerait pas, comme par enchantement, des quelques signatures échangées à Versailles ou dans diverses localités de la banlieue parisienne. Les nations ont été soumises, durant cinq années, à une trop rude épreuve, le chaos a été trop violent et trop prolongé pour que la diplomatie fût à même de remplir efficacement sa lourde tâche. Donc, en dépit des traités, le canon continue à tonner ; la guerre, qu’on supposait terminée, avait simplement clos sa première phase. Nous sommes entrés dans la seconde ; évitons la troisième et, dans ce but, efforçons-nous de concilier parmi les peuples tant d’intérêts qui s’opposent, de panser les blessures d’amour-propre, de calmer les rancœurs, les déceptions et le découragement. Pour y parvenir, un seul moyen s’offre : la justice. Certes, elle est dans toutes les bouches, la justice, et je ne suis pas éloigné