Page:La Corée Libre, numéro 4 et 5, août-septembre 1920.djvu/38

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En septembre 1914, lorsque la guerre fut déclarée à l’Allemagne, le comte Okouma disait : « Comme premier Ministre du Japon, j’ai déclaré et déclare une fois de plus au peuple des Etats-Unis et au reste du Monde que, derrière la conduite du Japon, il ne se dissimule aucun motif secret, aucun dessein d’annexer des territoires en Chine ou autre part, aucune intention de priver une nation quelconque de ses possessions ou de ses intérêts en Chine Mon gouvernement et mon peuple (sic) en donnent leur parole et leur assurance. Cette promesse sera respectée avec la même loyauté avec laquelle le Japon a toujours tenu ses engagements ».

Mais le Japon faisant fi de cette loyauté, envoyait trois mois plus tard (le 3 décembre 1914) les instructions suivantes au baron Kato, ministre du Japon à Pékin :

« Afin d’arriver à une entente sur la situation qui résulte de l’état de guerre entre le Japon et l’Allemagne, et en vue d’assurer en Extrême-Asie, une paix durable en consolidant la position de l’Empire (du Japon), le Gouvernement impérial a décidé d’entrer en négociations avec le Gouvernement chinois, afin de conclure des traités et des arrangements d’après les données générales indiquées dans les quatre premiers groupes des propositions ci-jointes (c’est-à-dire les « 21 demandes » ). Le Gouvernement impérial considère comme essentiel pour la consolidation de la situation du Japon en Extrême-Orient, aussi bien que pour la sauvegarde des intérêts généraux dans cette partie du monde, d’amener la Chine à adhérer aux propositions dont il est question et il est déterminé à atteindre ce but par tous les moyens en son pouvoir. Vous êtes par conséquent prié de faire diligence dans la conduite des négociations que nous vous remettons ».

Ces instructions furent tenues secrètes et n’ont été publiées pour la première fois qu’en juin 1915 à Tokio.

Le 18 janvier 1915, après la chute de Kiao-Tchéou entre les mains des Japonais, ces « 21 demandes » furent présentées à la pointe de l’épée à la Chine. Elles demandaient la complète cession de la péninsule du Chan-Tong, la prolongation du bail de Port-Arthur et de Dalny y compris les chemins de fer Mandchouriens pour une période de 99 ans ; la complète liberté et un plein privilège pour les émigrants Japonais en Mandchourie et en Mongolie ; l’exclusion des intérêts ou de l’influence d’une tierce puissance dans ces provinces ; l’emploi de Japonais comme conseillers politiques, militaires et financiers. Elles demandaient en outre, de nombreuses concessions pour les exploitations minières de la riche Vallée du Yang-Tse : que la Chine ne devrait acheter ses armes et ses munitions qu’au Japon ; que les entreprises de constructions de chemins de fer ne seraient données qu’aux seuls entrepreneurs japonais. La Chine ne devait faire aucune concession à une puissance tierce dans la province de Fon-Kien sans en avoir obtenu auparavant le consentement du Japon ; etc. etc…

La Chine, dont la liberté et les productions non protégées ont été mises dans la balance de la jalousie mutuelle des puissances agressives, fut obligée de céder au Japon triomphant, à qui « la paix en Extrême-Orient avait été confiée », c’est-à-dire à qui les mains libres avaient été laissées en Chine et en Sibérie afin que les colonies insuffisamment défendues ne fussent pas volées par l’un « des amis associés ». Les États-Unis n’étant pas embarrassés par une telle situation, et ne voyant pas la nécessité de compliquer des arrangements avec un « bon ami », intervinrent directement, mais vainement. La Chine s’inclina tout en faisant appel à la compassion le Japon fut intraitable.. Malgré quelques modifications apportées, la Chine dût signer sous la menace, l’arrêt de sa propre ruine le 9 mai 1915.

Cette fois, le Japon obtenait un résultat substantiel et non négatif comme après la guerre victorieuse Sino-Japonaise de 1894-1895. Nul Japonais ne peut se rappeler, en effet, l’humiliation imposée par le triple concert de la France, de l’Allemagne et de la Russie : « avisant » le Japon de rétrocéder à la Chine la péninsule de Liao-Tong, sans éprouver « une gêne de la respiration ». Aussi le Japon fit tous ses efforts par la suite pour s’assurer le fruit d’une réelle « victoire diplomatique »