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FABLES CHOISIES.

L’accoûtumance ainsi nous rend tout familier.
Ce qui nous paraissoit terrible et singulier,
S’apprivoise avec nostre veuë
Quand ce vient à la continuë.
Et puisque nous voicy tombez sur ce sujet :
On avoit mis des gens au guet,
Qui voyant sur les eaux de loin certain objet,
Ne pûrent s’empêcher de dire,
Que c’estoit un puissant navire.
Quelques momens après l’objet devint brûlot,
Et puis nacele, et puis balot ;
Enfin bâtons flotans sur l’onde.
J’en sçais beaucoup de par le monde
A qui cecy conviendroit bien :
De loin c’est quelque chose, et de prés ce n’est rien.




XI.
LA GRENOUILLE ET LE RAT[1].



Tel, comme dit Merlin, cuide engeigner autruy,
Qui souvent s’engeigne soy-mesme[2].
J’ay regret que ce mot soit trop vieux aujourd’huy :

  1. Voyez ci dessus, p. 36.
  2. Voici le texte auquel La Fontaine fait allusion :
    « Quant Merlin vit le roy Vterpandragon si luy commença a dire que il auoit mal exploicte de ce qu’il auoit souffert nul asseoir en ce lieu et le roy luy respondit il mengigna et Merlin luy dist. Ainsi aduient il de plusieurs car telz cuident engigner vng autre qui sengignent eulx mesmes. »
    Ce passage se trouve dans Le premier volume de Merlin, petit in-4o s. d. fueillet XLII, r°, 2e colonne, dans le chapitre intitulé : Comment Merlin print congé du roy & sen alla a son