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Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 1.djvu/209

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LIVRE SEPTIÉME.

Est le Curé Choüart qui sur son mort comptait,
Et la fable du Pot au lait[1].




XI.
L’HOMME QUI COURT APRES LA FORTUNE
ET L’HOMME QUI L’ATTEND DANS SON LIT.



Qui ne court apres la Fortune ?
Je voudrois estre en lieu d’où je pûsse aisément
Contempler la foule importune
De ceux qui cherchent vainement
Cette fille du sort de Royaume en Royaume,
Fideles courtisans d’un volage fantôme.
Quand ils sont prés du bon moment,
L’inconstante aussi-tost à leurs desirs échape ;
Pauvres gens, je les plains, car on a pour les fous
Plus de pitié que de courroux.
Cet homme, disent-ils, estoit planteur de choux.
Et le voila devenu Pape :
Ne le valons-nous pas ? Vous valez cent fois mieux ;
Mais que vous sert vostre merite ?
La Fortune a-t-elle des yeux ?
Et puis la papauté vaut-elle ce qu’on quite,
Le repos, le repos, tresor si precieux,
Qu’on en faisoit jadis le partage des Dieux ?

  1. Madame de Sévigné écrivait le 9 mars 1672 : « Voilà une petite fable de La Fontaine, qu’il a faite sur l’aventure du curé de M. de Boufflers, qui fut tué tout roide en carrosse auprès de lui ; cette aventure est bizarre ; la fable est jolie, mais ce n’est rien au prix de celles qui suivront. Je ne sais ce que c’est que ce Pot au lait. » On voit qu’elle avait pu se procurer le Curé et le Mort en manuscrit, mais que les fables précédentes ne lui étaient pas connues.