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DEUXIESME PARTIE.

Croy-moy, Mazet, mets-toy quelque autre part.
J’aimerois mieux être sans pain ny soupe
Que d’employer en ce lieu mon travail.
Les Nones sont un étrange bestail :
Qui n’a tasté de cette marchandise
Ne sçait encor ce que c’est que tourment.
Je te le dis, laisse-là ce Couvent ;
Car d’esperer les servir à leur guise,
C’est un abus ; l’une voudra du mou,
L’autre du dur ; parquoy je te tiens fou,
D’autant plus fou que ces filles sont sottes ;
Tu n’auras pas œuvre faite, entre nous ;
L’une voudra que tu plantes des choux,
L’autre voudra que ce soit des carottes.
Mazet reprit : Ce n’est pas là le poinct.
Voy-tu, Nuto, je ne suis qu’une beste ;
Mais dans ce lieu tu ne me verras point
Un mois entier sans qu’on m’y fasse feste.
La raison est que je n’ay que vingt ans,
Et comme toy je n’ay pas fait mon temps.
Je leur suis propre, et ne demande en somme
Que d’estre admis. Dit alors le bon homme :
Au Fac-totum tu n’as qu’à t’adresser ;
Allons-nous-en de ce pas luy parler.
Allons, dit l’autre. Il me vient une chose
Dedans l’esprit : je feray le müet
Et l’idiot. Je pense qu’en effet,
Reprit Nuto, cela peut estre cause
Que le Pater avec le Fac-totum
N’auront de toy ny crainte ny soupçon.
La chose alla comme ils l’avoient preveuë.
Voilà Mazet, à qui pour bien venuë
L’on fait bescher la moitié du jardin[1].
Il contre-fait le sot et le badin,

  1. Edition de 1668 :
    On fait bescher la moitié du jardin.