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CONTES ET NOUVELLES.

Si tout ne s’ensuivit, il ne tint qu’à Damon,
L’argent en auroit fait l’affaire.
Et quelle affaire ne fait point
Ce bien-heureux métail[1], l’argent maistre du monde ?
Soyez beau, bien-disant, ayez perruque blonde,
N’omettez un seul petit poinct ;
Un Financier viendra qui sur vostre moustache
Enlevera la Belle ; et dés le premier jour
Il fera present du panache ;
Vous languirez encore apres un an d’amour.
 
L’argent sceut donc fléchir ce cœur inexorable.
Le rocher disparut : un mouton succeda ;
Un mouton qui s’accommoda
A tout ce qu’on voulut, mouton doux et traitable,
Mouton qui sur le poinct de ne rien refuser,
Donna pour arrhes un baiser.
L’Epoux ne voulut pas pousser plus loin la chose,
Ny de sa propre honte estre luy-mesme cause.
Il reprint[2] donc sa forme ; et dit à sa moitié :
Ah ! Caliste, autrefois de Damon si cherie,
Caliste, que j’aimay cent fois plus que ma vie,
Caliste, qui m’aimas d’une ardente amitié,
L’argent t’est-il plus cher qu’une union si belle ?
Je devrois dans ton sang éteindre ce forfait :
Je ne puis, et je t’aime encor tout infidelle :
Ma mort seule expiera le tort que tu m’as fait.
 
Nostre Epouse voyant cette metamorphose

    impression de Holande me fait plus d’honneur que je n’en mérite. J’aurois souhaité seulement que celuy qui s’en est donné le soin n’eust pas ajousté qu’il sçait de trés-bonne part que je laisseray cette Nouvelle sans l’achever. C’est ce que je ne me souviens pas d’avoir jamais dit, et qui est tellement contre mon intention que la premiere chose à quoy j’ay dessein de travailler, c’est cette Coupe enchantée.

  1. Ainsi dans l’édition de 1671, métal dans celle de 1685.
  2. En 1685 : Il reprit