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Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 2.djvu/244

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CONTES ET NOUVELLES.

Soit jour, soit nuit, à toute heure il est doux :
Car on y voit assez clair sans chandelle[1].
Or, devinez comment ce jeu s’appelle.
 Le beau du jeu n’est connu de l’époux ;
C’est chez l’Amant que ce plaisir excelle :
De regardans, pour y juger des coups,
Il n’en faut point ; jamais on n’y querelle.
Or, devinez comment ce jeu s’appelle.
 Qu’importe-t-il ? Sans s’arrester au nom,
Ny badiner là dessus davantage,
Je vais encor vous en dire un usage :
Il fait venir l’esprit et la raison.
Nous le voyons en mainte bestiole.
Avant que Lise allast en cette école,
Lise n’estoit qu’un miserable oyson.
Coudre et filer c’estoit son exercice,
Non pas le sien, mais celuy de ses doigts ;
Car que l’esprit eust part à cet office,
Ne le croyez ; il n’étoit nuls emplois
Où Lise peust avoir l’ame occupée :
Lise songeoit autant que sa poupée.
Cent fois le jour sa Mere luy disoit :
Va-t-en chercher de l’esprit, mal-heureuse.
La pauvre fille aussi-tost s’en alloit
Chez les voisins, affligée et honteuse,
Leur demandant où se vendoit l’esprit.
On en rioit ; à la fin l’on luy dit :
Allez trouver Pere Bonaventure,
Car il en a bonne provision.
Incontinent la jeune creature
S’en va le voir, non sans confusion :
Elle craignoit que ce ne fust dommage
De détourner ainsi tel personnage.
Me voudroit-il fahire de tels presens,

    toutes les éditions, à partir de celle de 1685, et n’ont pas été recueillis par M. Walckenaer.

  1. Même observation pour ce vers.