Page:La Fontaine - Fables, Livres 10-11-12, Hachette, 1885.djvu/10

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mis dans la fable l’unité avec l’art. » Voyez, ci-après, les notes 4 et 6.

« Après la pièce précédente, dit Chamfort, si confuse et si embrouillée (voyez tome II, p. 457), voici une fable remarquable par l’unité, la simplicité et l’évidence de son résultat. À la vérité, il n’est pas de la dernière importance, puisqu’il se réduit à faire voir la dureté de l’empire que l’homme exerce sur les animaux et sur toute la nature ; mais c’est quelque chose de l’arrêter un moment sur cette idée, et la Fontaine a d’ailleurs su répandre tant de beautés de détail sur le fond de cet apologue, qu’il est presque au niveau des meilleurs et des plus célèbres. » C’est toujours, on le voit (comparez tome II, p. 448 et 451), à « l’importance du résultat » que Chamfort tient avant tout; sa préoccupation, si mal fondée, devient, on peut le dire, vraiment ridicule. — Geruzez a le bon goût de nous dire sans restriction : « Cette fable est au premier rang parmi celles de la Fontaine ; les discours de la Vache, du Bœuf et de l’Arbre sont pleins de force et d’éloquence. »

Un Homme vit une Couleuvre[1] :
« Ah ! méchante, dit-il, je m’en vais faire une œuvre
Agréable à tout l’univers ! »
A ces mots, l’animal pervers
(C’est le Serpent que je veux dire,
Et non l’Homme : on pourroit aisément s’y tromper[2]),
A ces mots, le Serpent, se laissant attraper,

  1. 3. Tout le monde sait aujourd’hui que la couleuvre est un serpent
    non venimeux, et l’on s’étonne que le fabuliste la traite de
    « méchante », d’ « animal pervers », et n’ait pas plutôt choisi
    pour acteur la vipère, par exemple. Il faut dire qu’autrefois le
    mot couleuvre était beaucoup plus compréhensif qu’a présent. Dans
    la classification des Ophidiens de Linné, « les vipères… n’avaient
    d’autre nom générique que celui de Coluber » (Dictionnaire d’histoire
    naturelle de d’Orbigny, tome IV, p. 297).
  2. 4. « Il se commente subitement, en se reprenant, dit M. Taine
    (p. 52-53), et, à ce qui semble, par pure bonhomie, pour nous
    éviter une méprise c’est pour nous jouer un tour et nous dire une
    méchanceté. » —– Nous avons rapproché ces deux vers du vers 96
    du Discours à Mme de la Sablière [tome II, p. 467, note 49) :
    Je parle des humains, car quant aux animaux…