Page:La Fontaine - Fables choisies, Barbin 1692, tome 1.djvu/15

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PREFACE.

au deſſus de ma portée. Comme il m’étoit impoſſible de l’imiter en cela, j’ay cru qu’il faloit en recompenſe égayer l’Ouvrage plus qu’il n’a fait. Non que je le blâme d’en eſtre demeuré dans ces termes : la Langue Latine n’en demandoit pas davantage ; & ſi l’on y veut prendre garde, on reconnoiſtra dans cet Auteur le vray caractere & le vray genie de Terence. La ſimplicité eſt magnifique chez ces grands Hommes : moy qui n’ay pas les perfections du langage comme ils les ont euës, je ne la puis élever à un ſi haut point. Il a donc falu ſe recompenſer d’ailleurs ; c’eſt ce que j’ay fait avec d’autant plus de hardieſſe que Quintilien dit qu’on ne ſçauroit trop égayer les Narrations. Il ne s’agit pas icy d’en apporter une raiſon ; c’eſt aſſez que Quintilien l’ait dit. J’ay pourtant conſideré que ces Fables eſtant ſceuës de tout le monde, je ne ferois rien, ſi je ne les rendois nouvelles par quelques traits qui en relevaſſent le gouſt. C’eſt ce qu’on demande aujour-d’huy ; on veut de la nouveauté & de la gayeté. Je n’appelle pas gayeté ce qui excite le rire ; mais un certain charme, un air agreable qu’on peut donner à toutes ſortes de ſujets, meſme les plus ſerieux.