Page:La Fontaine - Fables choisies, Barbin 1692, tome 1.djvu/16

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PREFACE.

Mais ce n’eſt pas tant par la forme que j’ay donnée à cet Ouvrage, qu’on en doit meſurer le prix, que par ſon utilité & par ſa matiere. Car qu’y a-t-il de recommandable dans les productions de l’eſprit, qui ne ſe rencontre dans l’Apologue ? C’eſt quelque choſe de ſi divin, que pluſieurs perſonnages de l’Antiquité ont attribué la plus grande partie de ces Fables à Socrate, choiſiſſant pour leur ſervir de pere, celuy des mortels qui avoit le plus de communication avec les Dieux. Je ne ſçay comme ils n’ont point fait deſcendre du Ciel ces meſmes Fables ; & comme ils ne leur ont point aſſigné un Dieu qui en euſt la direction, ainſi qu’à la Poëſie & à l’Eloquence. Ce que je dis n’eſt pas tout-à-fait ſans fondement ; puiſque, s’il m’eſt permis de meſler ce que nous avons de plus ſacré parmy les erreurs du Paganiſme, nous voyons que la Verité a parlé aux hommes par paraboles ; & la parabole eſt-elle autre choſe que l’Apologue, c’eſt-à-dire un exemple fabuleux, & qui s’inſinuë avec d’autant plus de facilité & d’effet, qu’il eſt plus commun & plus familier. Qui ne nous propoſeroit à imiter que les Maiſtres de la Sageſſe, nous fourniroit un ſujet d’ex-