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Page:La Fontaine - Fables choisies, Barbin 1692, tome 1.djvu/17

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PREFACE.

cuſe ; il n’y en a point quand des Abeilles & des Fourmis ſont capables de cela même qu’on nous demande.

C’eſt pour ces raiſons que Platon ayant banni Homere de ſa Republique, y a donné à Eſope une place tres-honorable. Il ſouhaite que les enfans ſuccent ces Fables avec le lait, il commande aux Nourrices de les leur apprendre ; car on ne ſçauroit s’accoutumer de trop bonne heure à la ſageſſe & à la vertu : plutoſt que d’eſtre reduits à corriger nos habitudes, il faut travailler à les rendre bonnes, pendant qu’elles ſont encore indifferentes au bien ou au mal. Or quelle methode y peut contribuer plus utilement que ces Fables ? Dites à un enfant que Craſſus allant contre les Parthes, s’engagea dans leur païs ſans conſiderer comment il en ſortiroit : que cela le fit perir luy & ſon Armée, quelque effort qu’il fiſt pour ſe retirer. Dites au meſme enfant, que le Renard & le Bouc deſcendirent au fond d’un puits pour y éteindre leur ſoif : que le Renard en ſortit s’eſtant ſervi des épaules & des cornes de ſon camarade comme d’une échelle : au contraire le Bouc y demeura, pour n’avoir pas eu tant de prévoyance ; & par conſequent il