Page:La Fontaine - Fables choisies, Barbin 1692, tome 1.djvu/54

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D’ESOPE.

un de leurs vaſes ſacrez, pretendant que par ce moyen ils convaincroient Eſope de vol & de ſacrilege ; & qu’ils le condamneroient à la mort. Comme il fut ſorti de Delphes, & qu’il eut pris le chemin de la Phocide, les Delphiens accoururent comme gens qui eſtoient en peine. Ils l’accuſerent d’avoir dérobé leur vaſe. Eſope le nia avec des ſermens : on chercha dans ſon équipage, & il fut trouvé. Tout ce qu’Eſope put dire n’empeſcha point qu’on ne le traitaſt comme un criminel infame. Il fut ramené à Delphes chargé de fers, mis dans des cachots, puis condamné à eſtre précipité. Rien ne luy ſervit de ſe défendre avec ſes armes ordinaires, & de rapporter des Apologues ; les Delphiens s’en moquerent. La Grenoüille, leur dit-il, avoit invité le Rat à la venir voir ; afin de luy faire traverſer l’onde, elle l’attacha à ſon pied. Dés qu’il fut ſur l’eau, elle voulut le tirer au fond, dans le deſſein de le noyer, & d’en faire enſuite un repas. Le malheureux Rat reſiſta quelque peu de temps. Pendant qu’il ſe debattoit ſur l’eau, un Oyſeau de proye l’apperceut, fondit ſur luy, & l’ayant enlevé avec la Grenoüille qui ne ſe put détacher, il ſe reput