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LE COLLECTIVISME

titue le pivot de tous ces petits drames intimes, qui se jouent, à chaque heure, le sourire aux lèvres, innombrables et cruels.

Que devient du reste la famille contemporaine, qu’elle soit prolétaire ou ploutocrate ? Le désœuvrement des uns, le labeur des autres, délient avec une égale fatalité des liens, consacrés par monsieur le curé ou par monsieur le bourgmestre, il est vrai, mais noués uniquement par la passion ou par la rapacité.

C’est à assurer la primauté de l’amour dans les rapports des sexes que travaille spécialement le collectivisme. Égaliser d’une part les situations de manière à écarter les calculs intéressés et vils ; garantir d’autre part des loisirs, de manière à rendre plus sérieux, plus raffinés des choix destinés à devenir ainsi plus définitifs et moins précaires, telle est une des conséquences nécessaires d’une meilleure et plus équitable répartition des richesses.

Il est apparent aussi pourquoi, en une société ainsi réorganisée, l’intervention des autorités publiques entre les conjoints deviendra inutile et frustratoire. Et c’est parce que les promesses qu’ils se seront faites seront tenues par eux, que les époux considéreront comme une injure et comme une honte, la consécration officielle donnée aux mariages depuis des siècles, signe manifeste de la défiance qu’ils s’inspirent l’un à l’autre.

C’est dans ce sens que la collectivité pourra libérer les hommes et les femmes des formalités qu’elle leur impose de nos jours et proclamer la légitimité de l’amour libre.