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LE COLLECTIVISME

ment, avec des pleurs dans la voix et les bras tendus vers le ciel, que ce régime doit supprimer le luxe, comme il supprimera la propriété, la famille, la religion !

Il importe toujours de distinguer : il y a luxe et luxe, il y a un luxe malsain et néfaste, il y a un luxe légitime et nécessaire.

Le malheureux, qui se décide à couvrir de tuiles sa chaumière au toit de paille, fait une dépense de luxe, comme celui qui remplace par un matelas la paillasse de son lit, comme celui qui remplace ses escabeaux par des chaises, ses sabots par des souliers, son bonnet de coton par une casquette.

Tout objet qui satisfait un besoin d’une manière plus complète ou plus agréable, devient un objet de luxe si on le compare à l’objet moins parfait ou moins utile auquel il est substitué.

Interdire un tel luxe, le stigmatiser et le honnir c’est se gendarmer contre le progrès, inévitable et fatal comme la révolution des astres ou le flux des mers.

Mais le luxe devient odieux et criminel dès qu’il ne satisfait plus un besoin essentiel ; dès qu’il a pour unique mobile de satisfaire la vanité ou l’orgueil de celui qui l’affiche.

Dès que le luxe a pour but de symboliser et d’extérioriser en quelque sorte les richesses d’un individu, il devient le plus épouvantable instrument de démoralisation.

Pour pouvoir affubler sa femme de dentelles pareilles à celles dont s’affuble la femme de tel ou tel milliardaire, il est des hommes capables