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LE COLLECTIVISME

de commettre tous les crimes, de condescendre à toutes les turpitudes.

Et jamais ils ne songent à toutes les tristesses accumulées en ces choses follement chères, ils ne se doutent pas que ce sont des pauvresses, guettées par la phtisie, qui ont tissé, pendant de longues, de longues heures, pour quelques sous dérisoires, ces étoffes de féerie.

Ils ne savent pas que les diamants dont ils ornent leur doigt sont arrachés à la terre par des mineurs faméliques, que l’on soumet à des purges régulières pour ne pas perdre les pierres précieuses qu’ils pourraient avoir avalées.

Ils ignorent, ces ignorants, qui croient tout pouvoir ignorer parce qu’ils sont riches, comme les nobles ignoraient tout jadis parce qu’ils étaient nobles, ils ignorent les souffrances des plongeurs qui, sous les tropiques, vont arracher aux vagues, au péril de leur vie, les huitres dont les perles s’étalent en rangées opalines sur les épaules de péronnelles insolentes ou fates.

Et les tisseurs qui surent dans les ateliers où se fabriquent les soieries, les tulles et les batistes, pour des salaires de famine ! Et les miséreux qui élèvent les vers à soie et ceux qui rouissent le lin au détriment de leur santé !

Oui, tout ce luxe est horrible : il est fait de peines, de haines, de grincements de dents, de privations et de supplices sans nom. Ce luxe, que l’on ose vanter, sent la fièvre, le typhus et la malaria ; il faut à cette fleur un fumier de cadavres.