Page:La Fontaine - Théâtre, Herhan, 1804.djvu/384

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De simple Grec qui pût se plaire en sa patrie,
Voyant de notre nom la gloire ainsi flétrie ?

ACHILLE.

Si l’intérêt des Grecs est d’employer mon bras,
Pourquoi d’Agamemnon ne se plaignent-ils pas ?
Quand ce chef a payé de mépris leurs services,
N’ai-je pas condamné tout haut ses injustices ?
Princes, je ne sais point trahir mes sentiments
Rappelez dans vos cœur ses mauvais traitements,
Vous verrez que chacun a sujet de se plaindre.
Endurez, j’y consens ; rien ne doit vous contraindre
Je vous laisse venger le faible Ménélas.
En servant toutefois ces deux frères ingrats,
Est-il, princes, est-il de Grec qui se dût taire ?
J’ai fait éclat pour tous, je veux encor le faire.

ULYSSE.

Ah ! ne rappelez point les déplaisirs passés.
Je veux qu’Agamemnon nous ait tous offensés ;
Il faut n’y plus songer, et que notre mémoire
Se charge du seul soin d’acquérir de la gloire.

ACHILLE.

Est-ce en le redoutant qu’on espère en trouver ?
La gloire est pour lui seul, il sait nous l’enlever.

ULYSSE.

Évitons donc au moins la honte et l’infamie ;
Empêchons, s’il se peut, que la Grèce ne die :
« Je suis mère féconde en enfants malheureux ;
J’ai formé des héros, Troie a triomphé d’eux.
Réduite à les revoir sans lauriers en leurs villes,
Je ne souffrirai plus qu’ils quittent ces asiles,
Qu’ils laissent leur foyer, et cherchent aux combats
Un renom que les dieux ne leur accordent pas. »

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