Page:La Gerbe, nouvelles et poésies, tome 2, série 1, 1859.djvu/38

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— T’aurais peut-être fait pire à son âge, vantard ! tu vois pas que c’est un enfant, donc. Moi, je soutiens que c’est beau pour un adolescent : trois bouteilles d’un pareil vinaigre, faut qu’il ait le gosier joliment disposé à la chose.

— Et toi, ma princesse, n’as-tu pas les yeux joliment disposés à le regarder, le bel Adonis.

— Tiens, pourquoi donc que je m’en gênerais ?

— Parce que… ça ne me va pas, donc, tes agaceries à ce bambin, qui téterait encore sa mère. Il a eu bon nez de n’y pas répondre, le moutard ; je lui crachais du vitriol au visage, foi de Beauregard.

— Te prend-il pas la fantaisie d’être jaloux de tout ce qu’est beau, parce que t’as l’œil louche, le crâne chauve et la figure couverte de champignons ? Bois donc, mon vieux ; c’est bien plus sage ; la bouteille, ça ne fait d’infidélités ni aux hommes ni aux femmes.

— À moins que les uns et les autres n’aient pas le sou, fâché de te démentir, ma princesse. Il n’y a rien en ce monde de sûr ni de fidèle.

Après cette réflexion, plus digne d’un misanthrope que d’un ivrogne, celui-ci se tourna vers le jeune homme, couché sur sa table comme il y était tombé.

— Dis donc, ma princesse, il dort toujours, l’