la voir à mon aise et à loisir ; je n’en trouvai point l’occasion, parce que les gens d’église qui la veilloient me dirent qu’ils n’y consentiroient jamais, et que j’offensois Dieu d’avoir ces pensées-là ; qu’il valoit bien mieux le prier pour le repos de son âme, et que son corps n’étant que de la terre, il falloit qu’il y retournât. Je rentrai en moi-même et reconnus que c’étoit la vérité. L’on en fit les funérailles fort honorablement ; ensuite je pris congé de mon père, qui étoit aussi fort affligé, pour m’en aller chez moi songer à ma perte, qui n’étoit pas petite. Toutes mes bonnes amies me visitèrent sur ce sujet, et je leur en serai obligée toute ma vie, leur consolation m’ayant fait beaucoup de bien. Je donnai avis à mon mari de la mort de ma bonne mère, dont il fut sensiblement touché, parce qu’il avoit beaucoup de vénération pour elle ; et aussitôt que la campagne fut finie, il s’en revint chez lui ; et après y avoir fait quelque petit séjour, il alla rendre ses respects à mon père, qui le reçut encore plus froidement. Cela lui causa un grand déplaisir, parce qu’il n’étoit pas souffrant ; ce qui le fit résoudre de lui faire demander partage du bien de ma mère, pour ensuite le laisser en repos, puisque sa présence lui donnoit de la peine. Mon père, qui n’étoit pas d’humeur à se dessaisir de son bien, quoiqu’il en eût beaucoup, tâcha d’éluder la chose. Nous fûmes obligés de le poursuivre pour avoir ce qui nous appartenoit légitimement. Cela fut de longue haleine, quoique
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