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de Mme de La Guette.

cavalier, qui ne s’en mit pas beaucoup en peine.

L’on voit par là comme tous leurs desseins avortèrent ; car ensuite les Parisiens crurent qu’il y avoit de l’intelligence et que le duc de Lorraine les jouoit, puisqu’il n’avoit pas attaqué l’armée du roi comme il le leur avoit fait espérer ; mais craignant d’être battu lui-même, il se contenta de demeurer campé un long temps en un même endroit, faisant tout fourrager et piller dix lieues à la ronde[1].

Durant tout ce temps-là, je montois à cheval assez souvent avec quelques gardes que je prenois pour me conduire, afin d’empêcher que l’on ne mît

  1. Je ne me porterois pas garant de ce récit ; mais je ne puis m’empêcher de faire ici deux remarques : la première est que l’inaction du duc de Lorraine et des princes n’a jamais été bien expliquée. Les Frondeurs s’en sont pris tour à tour et en même temps à la trahison, à une maladie qui avoit retenu le prince de Condé a Paris, et à une reprise des négociations secrètes de ce prince avec la cour. C’étoit alors, en effet, qu’il employoit à faire sa paix le duc de Rohan, le comte de Chavigny et Goulas. Les royalistes paroissent n’avoir pas été fâchés d’accréditer les accusations portées contre la foi du duc de Lorraine ; témoin ces vers de Montfleury dans l’Élégie de la France aux Frondeurs :

    « Les Lorrains enrichis de mes champs désolés
    Revendent dans leur camp les biens qu’ils m’ont volés ;
    Et leur perfide prince, où votre espoir se fonde,
    Qui se trompe lui-même en trompant tout le monde,
    Ce juif errant que Dieu ne peut voir sans courroux,
    S’en rêva sans combattre et se moque de vous. »

    La seconde remarque est que madame de La Guette se montre très-exacte jusque dans les plus petits détails de son récit ; nous en avons donné précédemment plusieurs preuves.