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Mémoires

le feu à mes maisons ; je les recommandois de toute ma puissance à ceux qui y étoient logés. Ils me témoignèrent en vouloir prendre soin ; mais on ne me laissa que les quatre murailles de tous côtés. Un jour que je revenois de Sussy avec un garde, je rencontrai plusieurs officiers qui lui dirent : « Garde, où menez-vous cette dame ? » — « Je la remène où je l’ai prise ; et vous n’en avez que faire, leur répondit-il. » Je vis qu’ils alloient fort s’échauffer les uns et les autres ; c’est pourquoi je leur dis : « Messieurs, mon garde a raison ; de quoi vous mettez-vous en peine ? Nous passons notre chemin ; vous pouvez passer le vôtre. » — « Il est vrai, madame, que vous passez votre chemin ; mais à moins que vous ne soyez madame de La Guette, il n’y a point de dame qui l’ose entreprendre, ou elle courroit grand risque de sa personne. » Je leur dis : « Vous l’avez trouvée ; c’est elle-même ; qu’avez-vous à dire ? » — « Rien, Madame, sinon que nous sommes vos très-humbles serviteurs et à monsieur votre mari aussi. » C’étoient des capitaines du régiment de Marsin, Baltazar, Saint-Ange et autres, qui étoient campés assez près de là. Je levai mon masque à l’heure même et leur dis : « Messieurs, puisque vous craignez quelque chose pour une femme, ayez la bonté de me conduire jusqu’à la porte de Grosbois, et je vous en aurai obligation. » Ils m’accompagnèrent avec joie. Nous ne parlâmes que de guerre sur le chemin, ayant toujours pris grand plaisir à cette sorte d’entretien. Je leur de-