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de Mme de La Guette.

mandai pourquoi ils m’avoient dit : à moins que ce soit madame de La Guette, il n’y a point de dame qui l’ose entreprendre. « Il est vrai, Madame, que nous l’avons dit ; car vous passez, parmi nos troupes, pour la plus généreuse de toutes les femmes ; il n’y a personne qui voulût vous faire insulte ; et même dans l’armée de Lorraine, on vous appelle la Saint Ballemont de la Brie. » — « Vraiment, leur dis-je, je dois être la plus glorieuse du monde, puisqu’on me compare à madame de Saint Ballemont, qui est la merveille de son temps et pour sa valeur et pour sa belle conduite. L’on me fait une grâce que je ne mérite point. » C’étoit une dame qui demeuroit sur les frontières de Lorraine et qui étoit admirée d’un chacun[1]. Nous nous séparâmes à la porte du parc, où je les remerciai de leur honnêteté.

  1. Alberte Barbe d’Ernecourt, femme de Jean-Jacques d’Haraucourt, seigneur de Saint-Balmont, d’une des plus anciennes et plus illustres maisons de Lorraine. Le père Jean-Marie, religieux pénitent du tiers-ordre de Saint-François, a écrit sa vie sous le titre de l’Amazone françoise. Paris, 1678, in-12. En 1773, le père Des Billons a abrégé le livre très-prolixe du père Jean-Marie et a publié a Liège, chez J.-J. Tutor, et à Paris, chez Babuty, l’Histoire de la vie chrétienne et des exploits militaires d’Alberte Barbe d’Ernecourt, connue sous le nom de madame de Saint-Balmont. In-12. Madame de La Guette dut être, en effet, d’autant plus flattée du compliment, que madame de Saint-Balmont n’étoit pas seulement une femme vaillante, comme on disoit alors, mais encore une femme très-pieuse et qui avoit mené, au milieu de ses aventures de guerre, une vie tout à fait dévote. Elle avoit dû entendre parler d’elle d’une manière toute particulière à Grosbois. Voici ce qu’on lit dans l’ouvrage du père Des Billons : « Un jour quelle étoit allée rendre visite à un de ses parents, quelques soldats de l’armée françoise vinrent piller la