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Mémoires

Quatre ou cinq jours après, celui qui commandoit le régiment de Marsin, nommé M. de Noirvalize[1], s’avisa un peu tard de m’envoyer faire compliment et offre de service par le nommé Saint-Ange. Je le reçus assez froidement et lui dis que je n’avois pas sujet de me louer de ce gentilhomme-là ; qu’il s’y étoit mal pris, vu que mon mari étoit de ses amis, et qu’il auroit pu envoyer des sauvegardes chez moi avant l’arrivée des Lorrains ; nous nous séparâmes là-dessus.

Il m’arriva, deux jours après, un déplaisir sensible par la mort d’un de mes fils, âgé de sept ans,

    bétail de ce gentilhomme. Elle y courut aussitôt avec lui et avec trois cavaliers qu’elle avoit pris en sortant de chez elle pour l’accompagner. Elle eut bientôt mis en fuite les pilleurs. Elle avoit ordonné qu’on épargnât leur sang ; mais un de ses cavaliers s’obstina à les poursuivre et en tua un. Elle alla sur-le-champ trouver le duc d’Angoulême pour lui faire des excuses et des plaintes en même temps. La nouvelle de son arrivée s’étant répandue en un moment dans toute l’armée, plus de quatre cents officiers vinrent se ranger auprès d’elle ; et ce fut avec ce brillant cortége qu’elle parut à l’audience publique du général, qui, charmé de pouvoir déclarer en présence d’une si belle assemblée les sentiments que lui inspiroient le courage et les vertus de l’amazone, excusa l’emportement de son cavalier, blâma la conduite des pilleurs, loua tout ce qu’elle avoit fait, lui accorda une garde pour le château de son parent, et ajouta que puisqu’elle n’avoit pas besoin d’un pareil secours, il alloit faire publier dans toute l’armée une ordonnance qui défendroit à qui que ce fût de l’inquiéter dans aucune de ses possessions. Quand elle se retira, il lui dit qu’il vouloit la voir monter à cheval. Elle ne fit aucune difficulté de lui donner cette satisfaction ; et tout le monde admira son adresse et sa bonne grâce. » Le père Des Billons ajoute que depuis ce temps-là madame de Saint-Balmont fut en correspondance avec le duc d’Angoulême.

  1. La Gazette de France le nomme Noirfalize et lui donne, en 1645, le titre de capitaine dans le régiment de Marsin.