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Page:La Guette - Mémoires, 1856.djvu/161

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de Mme de La Guette.

qui étoit le plus joli du monde et qui promettoit quelque chose de bon ; je l’aimois fort et y prenois un plaisir nonpareil. Ce fut un malheureux Lorrain qui fut cause de sa perte ; car comme mon enfant se promenoit dans la basse-cour de Gros-Bois, sa petite canne à la main, où il y avoit une pomme d’argent, ce misérable la lui vint arracher de furie, croyant faire un grand butin ; car ils voloient extraordinairement ; et de plus, ils étoient faits comme des hiboux. Ce pauvre enfant eut une si grande frayeur qu’il en prit une pleurésie qui le mit au tombeau. Il mourut entre mes bras dans mon lit ; car ce jour-là je ne pouvois me soutenir sur ma jambe, à cause de ma morsure de chien. Je me trouvai seule dans mon affliction, tous mes gens étant allés à droite et à gauche. J’avois assez de loisir pour contempler ce cher enfant et l’arroser de mes larmes, puisque je fus plus de deux heures sans qu’il revînt ni valet ni servante. Enfin ils parurent, et furent avertir ma sœur et M. de Vibrac, qui accoururent pour me consoler et ôter mon enfant d’auprès de moi. Incontinent après, toute ma chambre fut pleine d’honnêtes gens qui étoient réfugiés dans le château, pour divertir ma douleur, qui ne fut pas petite et qui dura assez de temps. Il fallut le faire enterrer deux jours après sans cérémonie, ayant seulement pris un homme d’église et quelques paysans pour faire la fosse, avec deux gardes pour m’accompagner à Sussy où est notre sépulture. Aussitôt que je fus entrée dans l’église,