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Mémoires

j’y vis un désordre épouvantable, les paysans y ayant apporté quantité de choses, croyant qu’elles y seroient en assurance et que les Lorrains auroient du respect pour les lieux saints ; mais ils se trouvèrent bien loin de leur compte, car tout y étoit pillé, les coffres et armoires brisés. L’on y marchoit dans la plume jusqu’à la moitié de la jambe ; ils avoient été assez impies pour tourner le crucifix sens dessus dessous ; cela me fit frémir d’horreur, car il falloit être diable pour cela, ou du moins athée. Quand mon pauvre enfant fut enterré, je dis au prêtre : « Monsieur, j’ai su que messieurs nos ecclésiastiques se sont enfuis aussitôt qu’ils ont appris l’approche de l’armée ; voyons, je vous prie, dans le tabernacle, s’ils n’ont point oublié les saintes hosties. » J’y montai et je trouvai le tabernacle entr’ouvert ; j’y aperçus le ciboire, et le prêtre étant venu pour le visiter, le trouva tout rempli d’hosties. C’étoit une merveille qu’elles eussent été conservées dans un si grand désordre, puisqu’on avoit eu l’insolence de renverser le crucifix de la manière que j’ai dit ; mais Dieu est tout-puissant, et je tiens cela comme un miracle après avoir vu tant de confusion dans l’église, qui étoit abandonnée à tous les picoreurs, et que de plus le bourg étoit tout rempli de coureurs. Il en vint un grand nombre voir enterrer mon enfant, qui virent comme moi cette merveille et en furent tous surpris. Le prêtre prit le ciboire avec grand respect ; et comme nous sortions de l’église, nous rencontrâmes un