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Page:La Guette - Mémoires, 1856.djvu/241

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de Mme de La Guette.

pris résolution de m’abandonner entre les mains de M. de Cuvilliers, qui étoit bailleur du roi, il ne voulut jamais se trouver à l’opération, et s’en alla à Mézières, chez M. le comte de Marsin, attendre ce qui en pourroit arriver. Mon mari alla quérir à Paris M. de Cuvilliers, qui, aussitôt qu’il fut arrivé, débanda mon bras, et me dit sans me toucher que l’os étoit hors de sa place. En effet, il le trouva sous mon aisselle. Après avoir un peu manié mon bras, il me regarda fort pitoyablement, me disant qu’il ne m’entreprendroit pas ce jour-là, que je mourrois entre ses mains ; mais qu’il falloit faire des fomentations trois fois le jour et trois fois la nuit pendant huit jours de temps, après quoi il reviendroit sans y manquer. Par bonheur pour moi, il amena avec lui sa fille, qui s’y entendoit à merveille aussi. Mme Tronson, qui m’a toujours fort aimée, y voulut être présente pour m’encourager à souffrir constamment. On se prépara à me tirer à outrance : le bailleur se mit à cheval sur ce pauvre bras raccourci. Il me sembloit qu’il l’avoit allongé d’une pique. Quelle douleur épouvantable ! Le chirurgien et sa fille me le tiroient de toutes leurs forces, et deux autres hommes me le soulevoient en haut avec une serviette ; mon mari me tenoit par le milieu du corps ; la bonne Mme Tronson voulut me tenir l’autre bras, et une autre personne me tenoit les deux jambes, en sorte que je n’avois que la tête de libre pour la tourner de droite à gauche. Je ne saurois penser aux douleurs que je ressentis