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changement de la lune, pour observer quel effet il produirait sur l’ombre. La lune changea sans qu’on s’aperçût de la moindre altération dans ce phénomène. Alors tous les aventuriers furent saisis d’une si vive terreur, qu’ils auraient abandonné leur entreprise, si Moralès n’était demeuré ferme dans ses idées, soutenant toujours, d’après les informations qu’il avait reçues des Anglais, que la terre qu’on cherchait ne pouvait être bien loin. Il faisait comprendre à Zarco que, cette terre étant sans cesse à couvert du soleil par l’épaisseur de ses forêts, il en sortait une humidité continuelle qui produisait cette nuée épaisse, l’objet de tant de craintes et de fausses imaginations.

Enfin Zarco, ne consultant que son courage, mit a la voile un jour au matin, sans avoir communiqué sa résolution à d’autres qu’à Moralès ; et, pour ne laisser rien manquer à sa découverte, il tourna directement la proue de son vaisseau vers l’ombre la plus noire. Cette hardiesse ne fit qu’augmenter les alarmes de son équipage. À mesure qu’on avançait, l’obscurité paraissait plus épaisse. Elle devint si terrible, qu’on osait à peine en soutenir la vue. Vers le milieu du jour, on entendit un bruit épouvantable qui se répandait dans toute l’étendue de l’horizon. Ce nouveau danger redoubla si vivement la frayeur publique, que tous les matelots poussèrent de grands cris, en suppliant le capitaine de leur sauver la vie et de changer de route. Il les assembla d’un visage ferme, et,