Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 1.djvu/32

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l’industrie a procuré quelque aisance à un peuple, et quand il commence à communiquer avec d’autres pays, il place, comme les Chinois, sa patrie au milieu du monde, et ne regarde le reste que comme des accessoires de la contrée qu’il habite, et pour laquelle son amour-propre croit que tout a été créé. Bientôt l’imagination élabore, de la manière la plus singulière, le peu de vérités qu’il sait sur les contrées étrangères ; et s’il a de la superstition, ce qui ne manque guère à l’ignorance, il amalgame le ciel, la terre et l’enfer. Quelles idées bizarres les premiers Grecs n’avaient-ils pas du monde, et sous quelles formes fantasques l’imagination des Scandinaves ne se figurait-elle pas le séjour des hommes et des immortels ? Pour remplir et peupler les terres mal connues, les nations qui ont un commencement de civilisation exagèrent toutes les formes, et entassent ou confondent toutes les matières qu’elles connaissent. Leurs contes ne parlent que de géans et de pygmées, de montagnes d’or et de diamans, de paradis terrestres, d’animaux monstrueux, enfin de tout ce qu’elles n’ont pas chez elles-mêmes. Il serait plus simple de supposer chez d’autres peuples des êtres analogues à ceux qui existent sous leurs yeux ; mais ce ne serait pas des merveilles ; l’imagination veut être frappée ; il lui faut des objets extraordinaires, et les grandes distances servent infiniment à seconder les désirs de l’imagination. Il est malheureux que ces jeux de la fantaisie aient plus d’une fois