Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 1.djvu/323

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’eau, et nagèrent heureusement jusqu’au rivage.

La nuit approchait : Roberts la passa tranquillement dans ce lieu. Au point du jour, trois insulaires parurent sur le bord de la mer, et, n’apercevant que deux hommes sur la felouque, se mirent librement à la nage pour venir à bord. Ils firent des offres civiles à Roberts, jusqu’à lui proposer d’aller dîner à terre avec eux. Il leur répondit qu’il ne savait pas nager. Leur étonnement fut extrême. Ils répétèrent plusieurs fois qu’il leur paraissait bien étrange que des gens qui traversaient la grande mer osassent l’entreprendre sans savoir nager ; et vantant, non sans raison, l’usage de leur nation, ils assurèrent qu’il n’y avait pas d’enfant parmi eux qui ne put se sauver de toutes sortes de périls à la nage. Cependant, comme l’eau manquait à Roberts, ils consentirent à lui en apporter. Étant bientôt revenus avec deux calebasses qui tenaient environ douze pintes, Roberts leur offrit de préparer pour eux quelques tranches de son poisson. À la vue des tranches sèches, ils lui dirent qu’ils croyaient les reconnaître pour la chair d’un poisson qu’ils nommèrent sarde ; sur quoi ils demandèrent si ce poisson ne dévorait pas les hommes. Roberts leur ayant répondu qu’on en avait quantité d’exemples, ils jetèrent avec effroi ce qu’ils tenaient entre leurs mains, en disant qu’ils n’auraient jamais cru que des hommes fussent capables de manger un animal qui se nourrit de leur chair. Ce mécontentement ne les empêcha pas de travailler à la poupe, et de