Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 10.djvu/201

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ouvrage, des vers, faire un tableau, faire une statue, faire un personnage, faire le modeste, faire croire, etc. ; c’est une expression commode, mais c’est ce que les Mantchous ne peuvent supporter. Ils pardonnent la répétition d’un même verbe dans le discours familier ; mais dans une composition, et même dans les écritures ordinaires, ils la trouvent inexcusable : le retour du même mot dans deux lignes voisines ne leur est pas plus supportable ; il forme pour eux une monotonie qui choque l’oreille ; ils se mettent à rire lorsqu’un missionnaire lisant nos livres, ils entendent revenir souvent que, qu’ils, qu’eux, quand, quoi, quelquefois, etc. On a beau leur dire que c’est le génie de la langue française, ils ne peuvent s’y accoutumer. Ils se passent de ce secours et n’en ont nul besoin : le seul arrangement des mots suffit sans qu’il y ait jamais ni équivoque ni obscurité ; aussi n’ont-ils point de jeux de mots ni de fades allusions.

Une autre singularité dans la langue mantchoue, c’est sa richesse, qui donne le moyen d’exprimer clairement et d’une manière précise ce qui demanderait autrement de longues circonlocutions : c’est ce qui se voit aisément quand on veut parler des animaux. Si l’on en veut faire une description exacte, à combien de périphrases ne faut-il pas avoir recours, par la disette de termes qui signifient ce qu’on veut exprimer ! Il n’en est pas de même chez les Mantchous, et un seul exemple le fera com-