Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 10.djvu/206

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vent dans la même salle, et dont la vue peut s’étendre jusque sur l’écriture, en quelque sens que ce soit, ne puissent lire ce que l’on écrit, surtout si ce sont de grandes lettres.

Il n’y a point de Mantchou qui ne préfère sa langue naturelle à toutes les autres, et qui ne la croie la plus belle et la plus riche du monde. Le fils aîné de l’empereur, à l’âge de trente-cinq ans, s’imaginait qu’il était impossible de rendre le sens de la langue mantchoue, et plus encore la majesté de son style, en aucune des langues européennes : il les traitait de barbares. La reliure de nos livres et nos gravures lui plaisaient beaucoup, mais il trouvait les caractères petits, en petit nombre, et mal distingués les uns des autres. Il prétendait qu’ils formaient une espèce de chaîne dont les anneaux étaient un peu tortillés, ou plutôt qu’ils ressemblaient à la trace des pieds d’une mouche sur une table poudreuse. Il ne pouvait se persuader qu’avec des caractères de cette nature on pût exprimer un grand nombre de pensées et d’actions, et tant de choses mortes ou vivantes, comme avec ceux des Chinois et des Mantchous, qui sont beaux, nets et bien distincts. Enfin il soutenait que sa langue était fort majestueuse et très-agréable à l’oreille ; au lieu que dans le langage des missionnaires il n’entendait qu’un gazouillement continuel, fort approchant du jargon de Fo-kien.

Le père Parennin, pour convaincre ce prince que les langues de l’Europe pouvaient expri-